L'affirmation de l'identité cadienne dans L'École Gombo de Kirby Jambon et La suite du loup de Jean Arceneaux

Introduction : Être Cadjin, Cajun ou Cadien ?

Par Bianca Cadieux
Il y a trois différentes façons d’écrire le mot cadien. Tout d’abord, cadjin est la forme qui est calquée sur la prononciation des Franco-Louisianais.[1] Elle est peu utilisée, car elle a été rejetée plusieurs fois par les règles de la langue française. Puis il y a la forme anglaise cajun qui représente la prononciation des Anglo-Américains du mot cadjin[2]. Les Cadiens, surtout ceux qui s’investissent dans la langue française, ont proscrit cette forme, car elle représente la tension qu’il y a eue et qu’il y a encore entre ces deux groupes à cause de leur mauvaise prononciation de ce mot. Finalement, la forme adoptée par la plupart est cadien. Il y aurait deux hypothèses sur l’origine de ce mot. D’une part, le premier a d’acadien serait tombé et la deuxième hypothèse serait que cadien dériverait d’une forme plus ancienne d’Acadie, soit la Cadie. Nous retiendrons donc dans cette analyse le terme cadien qui est le plus conforme aux règles de la langue française. Ces trois façons d’écrire le mot cadien représentent le fondement même de l’identité cadienne, et soulignent la problématique de cette identité par un passé complexe et une identité divisée. Cependant, la forte décision d’adopter le mot cadien souligne la détermination et la fierté de ce peuple, qui sont fortement présentées dans la poésie cadienne, qui se base sur ces caractéristiques typiques des Cadiens.

L'École Gombo
Ainsi, l’affirmation de l’identité cadienne est ce qui aujourd’hui compte le plus chez les utilisateurs du mot cadien. Digne et fière de leur identité, la population cadienne s’affirme de plus en plus. C’est ce que Kirby Jambon et Jean Arceneaux, alias Barry Jean Ancelet[3], deux auteurs cadiens de Lafayette en Louisiane illustrent dans leurs recueils de poèmes. L’École Gombo (2006), qui a reçu le prix Mondes Francophones de création[4], raconte le quotidien de Kirby Jambon en passant par l’utilisation de la langue française et la démonstration de la culture cadienne. Le second recueil, La suite du loup (1998), illustre de nouveaux points de vue sur le passé, la langue française et l’identité des Cadiens.

L’analyse suivante présentera quelques moyens qu’ont utilisés Kirby Jambon et Jean Arceneaux pour affirmer leur identité cadienne dans leur recueil. L’usage et l’attachement de la langue française, leur humour ironique, leur point de vue religieux seront étudiés, ainsi que le thème de l’exil et l’utilisation de pseudonymes.

Historique : Mémoire cadienne
 
À partir de 1755, les Anglais ordonnent aux Acadiens de prêter allégeance à la reine d’Angleterre au risque de se voir expulser de leurs terres. Quelques-uns prêtent allégeance aux Anglais, plusieurs s’exilent en France, la mère patrie, mais des milliers d’Acadiens ont été déracinés de leur terre de force et ont été dispersés sur les côtes de l’Atlantique, dont en Louisiane. Passant ainsi de colonie française à espagnole, redevenant brièvement française, la Louisiane est finalement vendue aux États-Unis en 1802. À partir de 1812, elle fait partie intégrante de l’Union[5]. Cependant, les habitants de la Louisiane sont encore méprisés, car ils utilisent encore la langue française. Donc, en 1916, une loi interdisant l’enseignement et la pratique de du français en Louisiane passe et fait plier les Acadiens sur eux-mêmes, appelés Cajuns, sur eux-mêmes. Après 52 ans, une nouvelle loi est votée et rétablit la langue française comme deuxième langue officielle de la Louisiane[6]. Les Cadiens ont vécu le déracinement, la perte, l’isolement et la peur, mais ils ont réussi à garder la tête haute et à vaincre les atrocités faites à leur endroit : « [Ils sont] de cette race qui ne sait pas mourir.»[7]

L’usage de la langue française : «Assis-toé…on va parler !»

La Louisiane a vécu ce qu’on peut appeler une louisianisation, ce qui «désign[e] le processus d’assimilation linguistique et culturelle d’un peuple.»[8] L’évolution démographique retentissante des États-Unis a bousculé les Franco-Louisianais et ils sont devenus une minorité dans leur propre pays par leur culture et leur langue française. Par contre, de plus en plus de Cadiens pensent et veulent sauver cet héritage linguistique, car il fait partie intégrante de leur identité. Ayant une tradition orale forte, les auteurs franco-louisianais ont décidé de s’affirmer en tant qu’individus français et ont décidé de traduire cette affirmation identitaire linguistique en poésie.[9]

Ainsi, Kirby Jambon, qui a grandement été inspiré linguistiquement par sa famille et qui est professeur en immersion de la langue française, utilise cette langue dans son recueil de poèmes L’École Gombo pour expliquer l’importance de celle-ci dans l’identité du peuple cadien. Par exemple, le poème «La vie comme la grègue et le double-solitaire» personnifie la langue française et le lien qu’elle a avec l’auteur :
[…]
L’âge d’or.
L’âge de douleur.
On dort.
On espère.
On a du mal.
L’âge de honte.
L’âge de foi.
On souhaite.
On espère.
On fait une prière.
[…]
Comment est-ce qu’on peut s’ennuyer de quelqu’un qui est toujours avec nous ?
[…]
Pour asteur, j’espère, j’ai espoir,
on espère, elle et moi, ensemble,
mais souvent seul.[10]

Le lien amoureux qu’il y a entre le narrateur et la langue française souligne l’importance de celle-ci dans sa vie, mais aussi l’espoir qu’après tant d’années elle reprendra sa place légitime au sein du peuple cadien. D’ailleurs l’anaphore (le pronom on répété six fois en début de vers) illustre l’importance du rôle de la société dans le retour et la préservation de la langue française. De plus, l’utilisation du on répétitif rassemble le peuple et persuade le lecteur du sentiment d’unité identitaire qu’il y a chez les Cadiens.

Dans le même ordre d’idées, l’une des façons pour rétablir et préserver la langue française dans l’identité cadienne est l’enseignement de cette langue dans les écoles. Kirby Jambon fait souvent référence à cet aspect dans ses poèmes, dont «Allons z’enfants», dont le titre fait très probablement référence à l’hymne national français qui commence par « Allons enfants de la patrie », qui prouve une fois de plus, le fort attachement des Cadiens à leur langue française et à leur passé, puisqu’ils ont été, par deux fois, sous gouvernance française :
[…]
Les verbes :
Je peux parler français à l’école.
Je veux parler français à l’école.
J’aime parler français à l’école.

Conjugaison du verbe aller :
Je vas parler français à l’école.
Tu vas parler français à l’école.
I va, a va parler français à l’école.
Nous autres, on va parler français à l’école.
Vous autres va parler français à l’école.
Eusses va parler français à l’école.

Ça, ça va, parler français à l’école.
Est-ce que ça rentre dans ta tête dure ! [11]
[…]

Faisant référence à la loi de 1916, soit à l’interdiction d’enseigner le français, Kirby Jambon rappelle au lecteur que les enfants ne pouvaient même pas parler le français lors des récréations. S’ils le faisaient, ils allaient au tableau et retranscrivaient jusqu’à ce que «ça rentre dans [leur] tête dure»[12] cette célèbre phrase : « I will not speak french on school grounds.» Jambon joue avec le lien ironique qu’il y a entre cette fameuse phrase et le fait qu’il l’a traduite en français et a enlevé la négation. Il souligne le rôle important de l’éducation dans la disparition ou l’apprentissage d’une langue. Bien que la génération perdue ne parle presque plus le français, la nouvelle génération par contre se sent interpelée par ce manque linguistique dans leur identité cadienne. Donc cette ironie illustre la continuité et la persévérance de la langue française dans la culture cadienne d’aujourd’hui. De plus, l’utilisation du présent dans les trois premiers vers marque un fait en cours, soit le retour de la langue française dans les écoles. Puis, la conjugaison cadienne du futur proche permet d’espérer en la persistance de la langue française et exprime un fait futur probable, dont le retour définitif, dans la communauté cadienne, de leur langue maternelle.

La suite du loup
En poursuivant dans la même lignée, Jean Arceneaux, auteur de La suite du loup, décrit que sa poésie avait comme but premier de «briser le silence»[13] sur l’évolution de la poésie franco-louisianaise : « Le français n’est pas l’architecte, mais le marteau. C’est un outil ! C’est moi qui l’utilise à ma façon et exprime idéalement une pensée poétique et puis, à arriver à faire sentir quelque chose.»[14], ainsi parle Arceneaux sur la force du français dans la culture cadienne et dans son écriture. Le français est ce qui lui a permis de devenir un auteur accompli et de créer une nouvelle poésie, qui allait faire avancer la littérature cadienne. Donc, Arceneaux a écrit son recueil de poèmes en français cadien pour prouver au peuple louisianais et au reste du monde que leur peuple avait encore une voix, donc une identité. Il utilise la psychologie renversée dans son recueil et surtout dans le célèbre poème identitaire «Je suis Cadien» pour souligner l’importance de se battre pour la préservation de la langue française :
[…]
Why not just go ahead and learn English.
Don’t fight it, it’s much easier anyway.
[…]
On a pas réellement besoin de parler français quand même.
C’est les États-Unis ici,
Land of the free.
On restera toujours rien que des poor coonasses.[15]

En utilisant l’anglais et en décrivant l’importance de cette langue en Louisiane, Arceneaux choque le lecteur. Tout au long de ses poèmes, il explique comment la langue française est significative dans l’identité des Cadiens et à la toute fin de son recueil, il change de point de vue. En faisant ainsi réagir le lecteur, il illustre les réelles pensées des Cadiens et souligne la controverse mêlée à leur identité linguistique. De plus, dans le poème « Au bout du tunnel », Arceneaux utilise une métaphore juste de la langue française chez les Cadiens d’aujourd’hui : « C’était bien commode de me montrer comment apprécier le plaisir du mal; on remplit le trou fait par la vente de la terre en y établissant un dépôt d’ordures couvert plus tard avec une légère couche d’une autre terre »[16]. Il illustre ici le fait que la langue française, qui était prospère avant la vente de la Louisiane aux États-Unis, est rapidement devenue une langue oubliée, prête à être jetée aux ordures et que maintenant, les Franco-Louisianais essaient tant bien que mal de ramener cette langue à sa prospérité d’autrefois en enterrant la vilénie du passé. De surcroît, le titre du poème est très révélateur quant à au dilemme identitaire linguistique, car il illustre la mort définitive de la langue française à laquelle plusieurs Cadiens croient, mais il signifie aussi le point de non-retour vers le passé et une vie meilleure dans la lumière. Soulignant le moment présent et futur de la langue française, le bout du tunnel indique donc le retour en force de la communauté cadienne et leur plus grande affirmation de soi.

«Pensez avant d’agir, écrire avant d’écrire.»[17]C’est ce que Jambon et Arceneaux ont fait dans leurs recueils de poèmes respectifs. Ils ont agi en écrivant dans leur langue, et ce, malgré les doutes qu’il y a pu avoir sur ce choix, car tous deux ont écrit leurs recueils de façon expérimentale. Les premiers poèmes mis dans leurs recueils étaient simplement une façon pour eux de constater leur aisance à écrire en français cadien, dans leur langue.[18]  Par conséquent, les deux auteurs ont plongé dans leur passé pour explorer l’utilisation et la préservation de la langue française chez les Cadiens. Ils font découvrir au lecteur que la langue française est beaucoup plus présente aujourd’hui. À cet égard, Jambon présente surtout le présent de l’usage de la langue cadienne, en passant par l’enseignement qui est un élément clé de la conservation de cette langue. Arceneaux souligne plutôt le dilemme identitaire linguistique d’hier à aujourd’hui. C’est ainsi que ces deux auteurs prouvent que la langue cadienne est l’un des aspects les plus importants dans l’affirmation de l’identité cadienne dans sa poésie.

L’humour cadien : Ce cher Boudreaux[19]!

L’opinion des autres a toujours été importante dans l’affirmation d’une identité. Or, les Cadiens ont été bombardés de stéréotypes malsains et péjoratifs par plusieurs peuples, mais surtout par les États-Unis. Plusieurs humoristes américains dépeignent les Cadiens comme des êtres rustauds, ignorants et illettrés. Par exemple, Justin Wilson arrive dans ses spectacles d’humour habillé en «chemise blanche, bretelles rouges, chapeau de paille et cravate western»[20]. De plus, il utilise un patois cadien exagéré en déformant chaque mot, devant un auditoire riant aux larmes. Ce genre d’humour externe et basé sur l’ethnicité utilise des stéréotypes dégradants pour souligner la supériorité de la personne qui l’utilise sur d’autres peuples. En les tenant pour acquis, les Cadiens se sont appropriés ces stéréotypes et les ont transformés en une identité cadienne endurcie. C’est ainsi que l’humour ironique est apparu dans la communauté franco-louisianaise. Ils ont tourné la situation en leur faveur et ont commencé à rire d’eux-mêmes. C’est ce qu’on appelle un humour intériorisé et ethnique. Il «s’adresse aux membres du groupe ethnique dont il reflète certaines réalités collectives»[21].

Kirby Jambon
Kirby Jambon utilise donc cet humour dans ses poèmes pour souligner l’affirmation de l’identité cadienne. L’auteur dit même que l’humour fait partie de sa vie comme l’air qu’il respire. Par exemple, il ne pourrait pas enseigner s’il n’était pas drôle. En effet, dans ses poèmes qui touchent à l’enseignement, dont les sections «L’école d’été» et «La rentrée encore», l’humour joue un rôle important, surtout lorsqu’il parle de ses élèves, qui sont pour lui une grande source d’inspiration. Ils le font rire, donc le font vivre.[22] Jambon fait souvent référence à sa parenté dans son écriture, car ils représentent une grande partie de son quotidien. En les mettant en scène, l’auteur a eu une grande réserve quant à exhiber ses poèmes devant ses parents. Mais ils ont ri de bon cœur, car c’était un humour qui leur parlait et qui leur ressemblait. C’était un humour cadien. Par exemple, dans «Chiac attack, Jack (un peuple en deux actes)», Jambon révèle le langage particulier d’une grand-mère cadienne : «She would curse dans les deux langages/«got dog moudit merde du diable de son-a-ba-bitch de moudit»»[23]. En présentant ainsi le mélange brutal du français et de l’anglais, et les jurons propres au patois cadien, Jambon approche le lecteur en lui présentant sa langue telle qu’elle est parlée : «L’aspect humoristique du langage [cadien] ne provient pas de la déformation linguistique ou de la création artificielle d’un patois, mais des jeux de mots, des tournures de phrases inattendues, des répétitions phonétiques dans les mots, des exagérations et des calembours.[24] Ainsi, lorsque Jambon utilise une anaphore (le terme i’faut rire répété six fois) dans «Mon philosophy à moi», il donne un regard optimiste sur la vie en jouant sur l’exagération de ce terme. Plus précisément, il mise sur le ridicule pour présenter une situation plutôt ironique. Ce poème décrit la dépression et la solitude de la vie, comme les Cadiens qui ne voyaient que leurs vies passer sous leurs yeux. Ils ne savaient plus de quoi était faite leur identité. En glissant ces i’faut rire dedans le poème, Jambon soulève l’optimisme et l’équanimité des Cadiens à propos de leurs vies. De plus, Jambon joue beaucoup avec la signification et la forme des mots dans son recueil :
Comme ein bouffon au cirque qui te garoche ein pie,
comme ein paillasse qui tchient ein éventail
cherche d’la cervelle avec einne paille
dans ein verre de terre, my oh my,
pie in the sky, pie in your eye, einne tarte à l’ail[25] 

L’agencement des phrases et des mots choisis crée une série de rimes amusantes qui égaient le lecteur et qui lui montrent une façon particulière de jouer avec les mots. À la façon cadienne, Jambon enrichit ses poèmes par l’utilisation de calembours. En somme, en acceptant de rire de soi-même et de ne rien prendre trop au sérieux, les Cadiens ont retrouvé le fondement de leur identité. Ils intègrent surtout leur humour dans leur langage déjà coloré en utilisant des agencements de mots et de phrases agrémentés d’humour cadien.  

Parallèlement, Jean Arceneaux utilise, avec une aisance palpable, l’ironie. Il présente ainsi ses réelles pensées sur l’affirmation de l’identité cadienne par un humour plus insolite. Dans «Je suis Cadien», Arceneaux explique pourquoi les gens ne devraient pas lire de la poésie cadienne :
Pourquoi écrire?
Personne va lire.
Tu perds ton temps
À cracher dans le vent.
La poésie, c’est grand,
Pas pour les enfants,
Ni les illettrés,
Ni le acculturés.
Ils ont rien à dire
Et, ça qui est pire,
Même s’ils en avaient,
Il faudrait le faire en anglais.[26]

Arceneaux décrit avec puissance que les auteurs cadiens n’ont pas sujets valables et discutables, qu’ils devraient écrire en anglais pour qu’ils se fassent lire et à ceci s’ajoute la non-disponibilité de poésie cadienne. Ces antiphrases amènent parfaitement le ton ironique placé dans le poème. Au contraire, les sujets en poésie cadienne sont vastes, car ils prennent racine dans leur passé endurci par l’adversité. Le but de la poésie cadienne est bien d’écrire dans la langue maternelle, soit le français, et vise plutôt un vaste auditoire français. Puis, la poésie cadienne est en pleine effervescence depuis plusieurs années. Jean Arceneaux «écrit en réaction à [s]es expériences, à [s]on contexte»[27], donc il réagit, avec un ton ironique, au débat actuel qui se passe en Louisiane sur la littérature cadienne. De plus, la connotation péjorative des mots «illettrés» et «acculturés» permet à Arceneaux de surprendre et de déstabiliser le lecteur, car ses mots dénoncent des préjugés importants qui vont à l’encontre de la personnalité des Cadiens. Celui-ci croit que la poésie cadienne devient de plus en plus ambitieuse et ne vise plus que la population cadienne. Elle s’est ouverte à l’Autre français et elle plaît beaucoup. La tonalité ironique est donc utilisée dans La suite du loup pour faire comprendre au lecteur que l’affirmation de l’identité cadienne passe par l’engagement opiniâtre des auteurs cadiens dans leur poésie.

En somme, Jambon et Arceneaux utilisent l’humour dans leurs recueils de poèmes pour souligner la forte affirmation identitaire des Cadiens. Tous deux utilisent l’autodérision et surtout la tonalité ironique dans leurs poèmes pour dénoncer les stéréotypes portés à l’égard des Cadiens et à celle de leur littérature. Pourtant, en riant ironiquement d’eux-mêmes et de leur poésie, ces deux auteurs créent une intimité et une fraternité au sein des lecteurs. Leur humour fait grandir l’identité cadienne. De plus, ils se moquent gentiment de leur propre communauté, comme l’humoriste cadienne Marion Marcotte.

La religion catholique : Que la paix soit avec vous…et avec votre identité! 

Roman catholic church Par Bianca Cadieux
La religion catholique est très ancrée dans les racines des Cadiens[28]. Priant pour sauver leurs corps, leurs familles, leurs terres, ceux-ci ont toujours gardé une grande foi. Lors du dispersement de 1755 en Acadie, les Cadiens, arrivés depuis peu de temps en Louisiane, se retrouvèrent dans un environnement nouveau sur tous les points. La collision religieuse entre les Américains protestants et les Cadiens catholiques fut difficile, car non seulement il y eut un tête-à-tête linguistique instable, mais aussi une confrontation de valeurs. De ce fait, les Cadiens, désarmés quant à la forte démographie des Américains, se tournèrent vers leur religion catholique où ils trouvèrent un réconfort et un début d’affirmation identitaire, comme le peuple québécois qui se réfugia dans la religion catholique pour surpasser les épreuves. En vérité, puisqu’ils se retrouvèrent dans un cercle fermé linguistique et religieux, les Cadiens prirent de l’assurance et commencèrent à s’affirmer par ces deux valeurs importantes.

Ainsi, dans L’École Gombo de Kirby Jambon, la religion fait partie intégrante de plusieurs poèmes, car elle a lentement, mais sûrement, construit l’identité des Cadiens et les a fait s’accepter pour qui ils sont vraiment. Alors, il y a beaucoup d’expressions ou de références à la religion dans le langage cadien, comme les termes Dieu, God ou Lord qui sont fortement utilisés comme jurons dans cette langue française. L’utilisation de ces mots ou expressions ecclésiastiques tels qu’à la fin du poème «Allons z’enfants» : « Asteur c’est l’heure qu’on passe le test: / Que la force soit avec vous. / Je vous aime beaucoup. / Bonne chance.»[29], qui fait référence à l’envoi en mission du peuple par le curé[30], souligne l’ancrage de la religion dans le langage et la vie des Cadiens. Elle est si enracinée dans leur culture, qu’ils l’utilisent souvent dans leurs écrits ou lors de conversations. De plus, Jambon fait souvent référence à Dieu comme à un confident amical, par exemple dans le poème «1 Corinthiens 12» :
Mon Dieu, des fois, je me sens une partie inférieure du corps.
Un pied, fatigué, ignoré, qui apporte le poids du corps.
Une fesse, paresseuse et grasse, incomplète sans sa copine.
Des poils, aujourd’hui inutiles, vestiges d’une vie ancienne.
[…]
Jésus, on dit, n’est pas trop délicat
Pour prendre un pied en main
Et s’assir à côté, en touchant
Un cœur peureux et humain.[31]

«Le «je» individuel se transforme, dans le contexte poétique, en un «nous» signifiant le nouveau peuple acadien»[32] Ainsi, Jambon métaphorise dans cet extrait poétique le peuple cadien en parties du corps. Jambon se réfère à la phrase «Voici mon corps livré pour vous», dite lors de la communion. Le je écrit dans le premier vers, présumé être la population cadienne, déclare qu’elle ne ressent pas au fond d’elle-même la complétude de son identité. Elle se sent comme le corps de Christ qui est délaissé pour mort, d’où la triple répétition de l’expression anglaise «Body of Christ, Amen!»[33], qui insiste sur cette pensée. Ainsi, lorsqu’à la fin du poème, celui-ci revient comme sauveur, bien que la population cadienne n’est qu’humaine, Jambon souligne la force de la religion pour cette population qui après tant d’épisodes déplorables a réussi, par l’aide de la religion et de leur foi, à surmonter ces épreuves, comme le fils de Dieu. En somme, lors d’une entrevue avec l’auteur, celui-ci dit que la religion est pour plusieurs Cadiens, soit ceux qu’ils ne parlent pas français, la seule façon de comprendre leur identité, car la religion est la seule partie de leur vie qui les rattache à celle-ci. Il discute aussi de son prochain recueil de poèmes, nommé Petite communion, qui aura une série ecclésiastique de 27 poèmes. La religion est l’un des facteurs importants qui influencent son écriture et son affirmation identitaire.[34]  

Dans le même ordre d’idées, Jean Arceneaux offre une vision plus subtile de la religion dans La suite du loup. Il souligne l’importance de celle-ci dans l’affirmation identitaire des Cadiens dans la forme de ses écrits. Par exemple, dans le poème « Je suis Cadien», Arceneaux illustre la grandeur morale de la religion catholique par une forme du type choral :
Enfants du silence, crions ensemble.
On comprend tous notre parenté commune.
Un silence comme l’attente d’un chanteur avant son tour,
Un silence comme deux amoureux qui découvrent une faiblesse,
Un silence comme un enfant qui voit son père abaissé,
Un silence comme un cri étouffé par le tremblement de la tristesse,
Un silence comme le froid dans le creux de la honte,
Un silence comme le grincement des dents de la peine,
Un silence comme le feu dans les yeux de la rage,
Un silence comme la mort en face avant son temps.[35]

En ayant la forme d’un chœur et utilisant les enfants pour souligner une chorale cléricale, Arceneaux dévoile l’affirmation identitaire cadienne dans un verset. La population cadienne est représentée par l’« ensemble» et la « parenté commune» puis est décrite comme « les enfants du silence» qui crient maintenant ensemble. L’oxymore entre les termes « silence» et «criont» met en relief le réveil identitaire des Cadiens qui passe par une forme plus religieuse. De surcroît, la suite de comparaisons sur le silence illustre l’accumulation des épreuves endurées par ce peuple. Néanmoins, la chorale formée dans cet extrait rappelle au lecteur la dimension importante de la religion au sein de la communauté cadienne et fait percevoir au lecteur leur cri d’espoir par le chant. Sans compter que la gradation dans cette suite comparative crée un effet dramatique, qui précise l’espérance de se faire entendre et l’affirmation de leur identité religieuse, donc cadienne. Cette même idée se forme dans le poème «Ailes de bébé» qui présente les Cadiens comme des nouveau-nés : « Dieu devrait laisser les ailes aux bébés un peu plus longtemps. Ce qu’ils manquent plus que tout de leur ancienne vie, c’est voler. Quand ils sont encore au berceau, ils font aller leurs bras comme des restants d’ailes.»[36] Revenant dans le passé, Arceneaux illustre par une métaphore juste que le peuple cadien a été privé de ses droits, autant linguistiques que religieux pendant plusieurs décennies. Toutefois, ils regagnent peu à peu leurs ailes et s’affirment de plus en plus. Jean Arceneaux fait découvrir au lecteur dans ce poème que la foi des Cadiens est infaillible, car dans « leur ancienne vie», avant que les Anglais ne leurs coupent leurs ailes, ils étaient libres d’être eux-mêmes, soit d’être de parler français et d’être catholiques. Or, lorsqu’ils arrivèrent en Louisiane, ils se firent rabaisser et juger en raison de ces caractéristiques propres à ce peuple. Donc ils voulaient retrouver leur liberté d’autrefois et ils ont réussi, car aujourd’hui cette population est fière et s’affirme de plus en plus dans leur identité cadienne.

Comparée à l’utilisation de la langue française et de l’humour, la religion prend des directions différentes pour les deux auteurs. Kirby Jambon illustre l’importance de celle-ci par le franc-parler des Cadiens et les appels à Dieu, autant en français qu’en anglais : « Pourquoi je les ai faits, tous mes péchés? All my trials, Lord, soon be over.»[37] Tandis que Jean Arceneaux souligne l’identité religieuse des Cadiens en passant par leur passé atterrant, comme dans «Je suis Cadien» : « Le prophète tourne en rond, / Perdu dans une idée sans fond. / Il passe son temps à contempler / Le temps passé et à lamenter»[38] Le prophète, désignant la ferveur catholique des Cadiens, regarde souvent dans son passé pour comprendre le moment présent et le futur de ceux-ci. C’est ce qu’Arceneaux fait dans ces poèmes lorsqu’il révèle subtilement l’importance de la religion dans l’affirmation identitaire des Cadiens. Pour sûr, les deux auteurs ont passé par des voies différentes pour présenter l’une des caractéristiques essentielles de l’identité cadienne, mais ils ont tous deux réussi à intégrer et à montrer la véritable valeur de cet aspect dans leurs poèmes.

Sources identitaires : Les auteurs…à quoi ont-ils pensé?

Plusieurs facteurs non formels de la poésie cadienne soulignent l’affirmation de l’identité, telle que l’exil des auteurs pour mieux comprendre leurs origines. Dans le passé, les auteurs cadiens visitaient la France, la Terre-Mère, pour apprendre d’où venait leur langue. Ces auteurs se rendaient rapidement compte qu’ils préféraient de loin leur version de la langue française qui est beaucoup plus colorée que celle du français international. Ils réalisaient enfin la vigueur et l’explosion des saveurs culturelles de leur langue cadienne[39]. C’est ce qui les a, par la suite, inspirés dans leurs écrits, comme Jambon et Arceneaux. Ce dernier est allé en France et a vécu le même éclaircissement alors que Jambon s’est plutôt exilé de façon spirituelle, soit en restant en Lousiane, mais en prenant du recul sur sa vie. Tous deux ont fait cet exil pour ensuite prendre conscience de l’importance de la langue de Molière dans leur vie et leurs écrits.

Jean Arceneaux
Aussi, l’utilisation des noms de plume, tantôt fantaisistes tantôt d’origine familiale, est récurrente dans la littérature cadienne. Ils permettent, comme le masque du Mardi gras, l’une des traditions de cette fête, de cacher l’identité de celui-ci et de lui permettre de s’exprimer librement. Sans contraintes sociales ou politiques, l’auteur se sent donc libre d’écrire ce qu’il pense vraiment. Par exemple, Jean Arceneaux, qui est le pseudonyme de Barry Jean Ancelet, a écrit une suite de poèmes nommée «La suite du loup» intégré au recueil du même nom, qui illustre un homme mi- loup qui essaie de vivre à travers ces deux identités. Jean Arceneaux est le loup de Barry Jean Ancelet.[40] Cette dichotomie identitaire souligne parfaitement les différentes cultures, donc identités des Cadiens. À cet égard, l’affirmation identitaire dans la poésie cadienne peut être représentée de bien des façons.   

Conclusion : Une régénérescence identitaire…ou pas?

Pour tout dire, l’affirmation de l’identité cadienne dans L’École Gombo de Kirby Jambon et La suite du loup de Jean Arceneaux passe au travers de plusieurs caractéristiques culturelles et formelles. L’utilisation et la préservation de la langue française sont la clé de l’identité cadienne. Employée par ces deux auteurs, l’intégration du français dans leur écriture prouve que leur variation de cette langue est précieuse et qu’elle reflète une part importante de la société cadienne. Puis, la forme drolatique et la forte utilisation de la tonalité ironique illustrent un humour très cadien. De ce fait, l’intégration de cet humour coloré « traduit bien la «joie de vivre» et l’enthousiasme communicatifs qu’éprouvent le Cadien et la Cadienne, lorsqu’ils se sentent enfin à l’aise, épanouis dans leur espace physique et culturel.»[41] Enfin, la ferveur catholique influence grandement leurs écrits, car la religion est pour plusieurs l’une des seules façons de se reconnaître comme Cadien. Jambon et Arceneaux vont dans le même sens, idéologiquement parlant. Ils représentent différents critères des caractéristiques de l’affirmation identitaire des Cadiens, puisque Jambon écrit surtout sur le présent alors qu’Arceneaux fouille beaucoup dans le passé. Néanmoins, les deux auteurs en viennent toujours aux mêmes conclusions, soit que les Cadiens s’affirment de plus en plus en tant qu’identité distincte. De surcroît, l’exil des auteurs et l’utilisation de noms de plume impliquent la recherche identitaire et ainsi, son affirmation.

Par contre, «il nous est permis de douter»[42], écrit Mélanie Tardif dans Francophonies d’Amérique. Malgré l’abondance de critères jouant en faveur d’une identité cadienne plus vaste, le rapport à l’Autre reste toujours insuffisant. Elle commence tranquillement à prendre de l’expansion, mais n’entreprend pas une vision plus grande. De plus, le fossé linguistique des générations est considérable. La langue française commence elle aussi à connaître une lente progression dans la population louisianaise, mais arrivera-t-elle à dépasser ce fossé intergénérationnel? Ainsi, la question s’impose : est-ce que cette régénérescence identitaire cadienne deviendra permanente ou ne sera-t-elle que passagère et retombera en poussières? 

Je remercie...
L'OQAJ pour son soutien financier dans mon projet,
Kirby Jambon et Barry Jean Ancelet pour le temps qu'ils m'ont si généreusement accordé,
Guillaume Lallier pour son soutien et
Catherine Fournier et Thalie Goulisty-Leblanc pour leur collaboration et amitié.  

[1] M. Bergeron-Maguire, La «conscience diasporale» en poésie cadienne, p. 8.
[2] Ibid., p. 9.
[3] Il est un chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française.
[4] Festival international de poésie, Poètes internationaux, [en ligne], (consulté le 14 mars 2012).
[5] 50 states, Statehood dates, [en ligne], (consulté le 26 mars 2012).
[6] Wikipédia, Louisiane, [en ligne], (consulté le 15 mars 2012).
[7] É. DesMarais cité par B. Beaulieu dans Affirmation de l’identité dans la littérature cadienne, p.146.
[8] M. Tardif, La poésie franco-louisianaise contemporaine, p. 169.
[9] Ibid., p. 173.
[10] K. Jambon, L’École Gombo, p. 137-139.
[11] Ibid., p. 15-16.
[12] Ibid., p. 16.
[13] M. Tardif, La poésie franco-louisianaise contemporaine, p. 170.
[14] M. Jean Arceneaux,  dans une entrevue effectuée par Bianca Cadieux, Lousiane, 17 février 2012.
[15] J. Arceneaux, La suite du loup, p. 97.
[16] Ibid., p. 59.
[17] K. Jambon, L’École Gombo, p. 119.
[18] M. Jean Arcenaux, M. Kirby Jambon, dans une entrevue effectuée par Bianca Cadieux, Louisiane, 17 et 19 février 2012.
[19] Faisant référence aux célèbres blagues cadiennes, incluant Boudreaux, ce personnage farfelu, d’origine cadienne.
[20] A. D. Barry, Ethnicité et humour : Les Cadiens louisianais, p.186.
[21] Ibid., p. 183.
[22] M. Kirby Jambon,  dans une entrevue effectuée par Bianca Cadieux, Lousiane, 19 février 2012.
[23] K. Jambon, L’École Gombo, p. 71.
[24] A. D. Barry, Ethnicité et humour : les Cadiens louisianais, p. 189.
[25] K. Jambon, L’École Gombo, p. 84.
[26] J. Arceneaux, La suite du loup, p. 102-103.
[27] M. Jean Arceneaux,  dans une entrevue effectuée par Bianca Cadieux, Lousiane, 17 février 2012.
[28] M. Kirby Jambon,  dans une entrevue effectuée par Bianca Cadieux, Lousiane, 19 février 2012.
[29] Ibid., p. 17.
[30] Wikipédia, Messe, [en ligne], (consulté le 28 mai 2012).
[31] K. Jambon, L’École Gombo, p. 101-102.
[32] B. Beaulieu, Affirmation de l’identité dans la littérature cadienne, p. 146.
[33] Ibid., p. 101.
[34] M. Kirby Jambon,  dans une entrevue effectuée par Bianca Cadieux, Lousiane, 19 février 2012.
[35] J. Arceneaux, La suite du loup, p. 99.
[36] Ibid., p. 84.
[37] Ibid., p. 79.
[38] Ibid., p. 100.
[39] S. Hoarau, «SECONDE PARTIE. Les mouvements de l’exil : errances et constructions de réseaux d’échanges», Écritures de l’exil, exil des écritures.
[40] M. Jean Arceneaux,  dans une entrevue effectuée par Bianca Cadieux, Lousiane, 17 février 2012.
[41] B. Beaulieu, Affirmation de l’identité dans la littérature cadienne, p. 148.
[42] M. Tardif, La poésie franco-louisianaise contemporaine, p. 180.


Médiagraphie
SITES INTERNET

50 States, Statehood dates, [en ligne], [http://www.50states.com/statehood.htm], (consulté le 26 mars 2012).

Festival International de poésie, Poètes internationaux, [en ligne],  [http://fiptr.com/poete_bio.html], (consulté le 8 janvier 2012).

Wikipédia, Barry Jean Ancelet, [en ligne], [http://en.wikipedia.org/wiki/Barry_Jean_Ancelet], (consulté le 14 mars 2012).

Wikipédia, Louisiane, [en ligne], [http://fr.wikipedia.org/wiki/Louisiane], (consulté le 15 mars 2012).

Wikipédia, Messe, [en ligne], [http://fr.wikipedia.org/wiki/Messe#Les_rites_de_conclusion], (consulté le 28 mai 2012).

ARTICLES/THÈSES

Beaulieu, Bertille, « Affirmation de l’identité dans la littérature cadienne », Francophonies d’Amérique, n° 6, 1996, p. 141-157, (consulté sur Érudit le 8 janvier 2012).

Bergeron-Maguire, Myriam, La «conscience diasporale» en poésie cadienne, Mémoire de maîtrise présenté à l’Université de Laval, 2011, 113 p., (consulté le 11mars 2012).

Hoarau, Stéphane, «SECONDE PARTIE. Les mouvements de l’exil : errances et constructions de réseaux d’échanges», Écritures de l’exil, exil des écritures, 2009, 314 p., (consulté le 12 mai 2012).

Tardif, Mélanie, «La poésie franco-louisianaise contemporaine», Francophonies d’Amérique, no°11, 2001, p. 169-181, (consulté sur Érudit le 8 janvier 2012).

LIVRES

Arceneaux, Jean, La suite du loup (poèmes, chansons et autres textes), Lafayette, coll. «Acadie Tropicale», Moncton, Éditions Perce-Neige, 1998, 105 pages.

Jambon, Kirby, L’École Gombo, Shreveport, Les cahiers du Tintamarre, 2006, 162 pages.

Pilote, Carole, Guide littéraire, Montréal, Groupe Beauchemin, 2007, 144 pages.

VIDÉOS

Cadieux, Bianca, Rencontre avec Jean Arceneaux, Louisiane, 37 : 21 minutes, 15 au 25 février 2012.

Cadieux, Bianca, Rencontre avec Kirby Jambon, Louisiane, 37 : 55 minutes, 15 au 25 février 2012.